Publication d’une monographie "la psychiatrie de la personne âgée dans les Hauts-de-France"
Avec cette monographie consacrée à la psychiatrie de la personne âgée, la fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France renoue avec une tradition des synthèses régionales sur des problèmes touchant à la santé mentale ou des populations spécifiques. Elle a été réalisée en collaboration avec une dizaine de membres ou partenaires de la F2RSM Psy.
L’objectif premier de ce document est d’apporter des repères de différentes disciplines (sociologie, psychiatrie, gériatrie, épidémiologie, travail social...), dans un champ complexe, où interviennent un très grand nombre d’acteurs, spécialisés en psychiatrie de la personne âgée ou, le plus souvent, spécialisés sur d’autres compétences : aidants, médecins traitants, hôpitaux, services d’urgence, établissements et services médico-sociaux, comme les foyers ou Ehpad.
La F2RSM Psy a également tenté de recenser l’offre, sanitaire et médico-sociale, ce qui a préalablement amené à réfléchir aux critères d’inclusion et à localiser les sources pertinentes. Or, les personnes âgées présentant des troubles mentaux et/ou un handicap psychique, sont à la croisée d’une politique de santé, pilotée par l’État, relevant de deux domaines stratégiques différents (la santé mentale et le vieillissement), et des politiques sociales incombant aux Conseils départementaux en direction des personnes handicapées et des personnes âgées, mais également de plusieurs spécialités. Ceci contribue amplement à la complexité du champ et nous a rapidement amené à devoir renoncer à un recensement exhaustif des services médico-sociaux qui seraient spécialisés dans la prise en charge des personnes âgées présentant un handicap psychique et à décider de présenter quelques structures déclarant avoir cette activité spécifique, à titre illustratif.
La F2RSM Psy a cherché à rendre compte de cette complexité et des réponses qui y sont apportées, par des acteurs sanitaires et médico-sociaux, dans leurs services, à travers les conventions qui les relient à leurs partenaires et au sein des instances de coordination : Maia, en cours d’intégration dans les Dispositifs d’appui à la concertation, réseaux gérontologiques et Projets territoriaux de santé mentale.
Contenu
Sociologie et démographie des personnes âgées dans les Hauts-de-France
La vieillesse n’est pas qu’une affaire d’âge, nous rappelle la sociologie, c’est également un construit social, façonné autour de la retraite, étape biographique qui fait quitter un statut professionnel, avec ses statuts et rôles associés, et accéder à une période marquée par 2 représentations très prégnantes : celle du senior actif et celle de la personne dépendante. Pour Vincent Caradec, les retraités « doivent être considérés comme des acteurs de la construction sociale des modes de vie à la retraite ».
Les personnes âgées de 65 ans ou plus (1,13 million dans les Hauts-de-France en 2021) sont de plus en plus nombreuses et représentent une part croissante de la population, même si la région Hauts-de-France est plus jeune que les autres. L’accroissement de l’espérance de vie se traduit par une hausse rapide des besoins d’aide à l’autonomie et de santé, mentale notamment.
Approches cliniques
Les différences entre la psychogériatrie, qui étudie des effets pathologiques du vieillissement dans ses composantes psychiatriques, et la psychiatrie de la personne âgée, « branche de la psychiatrie au même titre que celle de l’enfant et de l’adolescent », sont précisées dans un premier temps, puis les spécificités des troubles mentaux de la personne âgée. Les rapports entre le corps et la psyché sont explorés, alors que la frontière entre vieillissement et maladie cognitive est exposée. Enfin, l’approche optimale, développée au Québec, et les outils de la réhabilitation en psychiatrie de la personne âgée, présentés par une équipe de Bron (Rhône), sont présentés.
Une offre complexe et inégalement répartie
À la croisée de nombreux dispositifs et spécialités (gériatrie, psychiatrie, médecine générale, politiques du handicap et de l’autonomie ...), la prise en charge des troubles mentaux des personnes âgées se fait dans des unités spécifiques (la région compte 7 services d’hospitalisation dédiés, 18 équipes mobiles de psychogériatrie et 14 Unités cognitivo-comportementales) ou, le plus souvent, dans des services, sanitaires, sociaux et médico-sociaux, qui prennent en compte les troubles mentaux et les handicaps psychiques, sans être spécifiques à ces situations. La monographie présente une douzaine de ces structures, gérées par des établissements de santé, ou implantées dans des Ehpad ou foyers.
Les conduites suicidaires
Si le nombre de suicides des âgés diminue depuis plusieurs décennies, comme pour l’ensemble de la population, il a provoqué le décès de plus de 250 personnes de 65 ans et plus chaque année dans les Hauts-de-France durant la période 2015-2017. Trois quarts de ces suicides concernent les hommes, un quart les femmes. Le taux de mortalité suicidaire augmente avec l’avancée en âge. Les tentatives de suicide quant à elles, sont moins fréquentes chez les personnes de 65 ans et plus que chez les moins âgées, mais près de 1200 séjours en service de médecine-chirurgie étaient consécutifs à un geste suicidaire en région (moyenne 2018-2020).
Les professionnels des Ehpad ont bénéficié d’un programme de formation sur la crise suicidaire, qui leur a permis d’acquérir une aisance à aborder ce sujet délicat et de le prendre en charge, au sein d’une population abordant fréquemment la mort.
Recours aux soins et aux médicaments
Avec l’avancée en âge, augmente le recours aux médicaments, notamment celui des anxiolytiques, des antidépresseurs, des hypnotiques et, dans une moindre mesure, des antipsychotiques ; ces médicaments, essentiellement prescrits en médecine de ville, concernent plus les femmes que les hommes. Chez les personnes de 85 ans et plus, plus d’un quart des hommes et plus d’un tiers des femmes reçoivent un traitement anxiolytique, évoquant des angoisses existentielles. Le niveau de recours aux services de psychiatrie (environ 21 000 personnes de 65 ans et plus en 2020 dans la région) se fait très majoritairement en consultation médico-psychologique, mais peut également avoir lieu au domicile, en Ehpad ... ou prendre la forme d’une hospitalisation ; le taux de recours diminue avec l’âge : les personnes âgées sont proportionnellement moins suivies en service de psychiatrie que les plus jeunes, pour des raisons qu’il conviendrait d’étudier. Les femmes sont beaucoup plus représentées dans ces services, tant en nombre (13518 vs 7264) qu’en taux ; les troubles de l’humeur et les troubles anxieux sont les diagnostics les plus retrouvés.
Politiques publiques, coopérations
Les politiques de santé relèvent de l’Agence régionale de santé ; la psychiatrie de la personne âgée est abordée par le double prisme du vieillissement et de la santé mentale.
Parmi les actions marquantes de l’ARS : la création d’équipes mobiles de psychogériatrie, d’un centre ressource (le CR3PA) et la prévention des conduites suicidaires en Ehpad, par la poursuite de la formation des professionnels.
Les conseils départementaux ont quant à eux la charge des politiques sociales, en direction des personnes âgées et des personnes handicapées notamment. Ils se trouvent donc confrontés aux problématiques de handicap psychique chez les âgés et financent, partiellement ou totalement, des unités de vie pour personnes handicapées vieillissantes au sein d’Ehpad ou de foyers.
La psychogériatrie donne lieu à des fiches-projets présentes dans les Projets territoriaux de santé mentale (PTSM) qui associent les représentants des établissements, de santé, médico-sociaux, de l’État, des collectivités territoriales dans des approches partenariales.
La formation des professionnels
La psychiatrie de la personne âgée est devenue en 2017 une sur-spécialité ouverte aux internes de psychiatrie. Un diplôme universitaire de psychogériatrie est dispensé à la faculté de médecine de Lille ; les psychologues quant à eux peuvent suivent un DU Psychopathologie et cliniques de la personne âgée. Des formations continues sont par ailleurs dispensées par le Centre de ressources sur le handicap psychique (Crehpsy) et l’Institut régional du travail social (IRTS). Plus de 20 thèses ou mémoires portaient sur la psychogériatrie durant les 5 dernières années à l’Université de Lille.
Une synthèse nécessaire dans un champ en plein essor
L’état des lieux régional proposé rend compte de dynamismes locaux, qu’il faut souligner, mais également de grands déserts territoriaux, au sein desquels, faute d’organismes ressources, les acteurs sont amenés à improviser des réponses sans doute très éloignées des référentiels. Même si la psychogériatrie et la psychiatrie de la personne âgée régionale se structurent, elles ne disposent que de ressources extrêmement limitées et très insuffisantes au regard de l’augmentation rapide du nombre de personnes âgées.
L’avenir de cette jeune spécialité reste à écrire.
Ce document est accessible uniquement aux adhérents de la fédération pour une période de 3 mois puis accessible à tous (à partir de novembre 2022). Retrouvez-le en cliquant ici.