20 février 2023
Santé mentale de la population carcérale : résultat d’une nouvelle étude nationale et nouvelle feuille de route

Capture dre#cran 2023-02-07 a# 15.27.15Ce rapport présente les résultats de l'étude nationale sur la santé mentale en population carcérale sortante (SPCS) qui s’est donné pour objectif d’évaluer la santé mentale et le parcours de soins des personnes sortant de prison en France. Il comprend trois volets qui concernent respectivement : la population carcérale masculine sortant de maison d'arrêt ; la population carcérale féminine sortant des établissements pénitentiaires des Hauts-de-France ; et le dispositif de santé mentale en milieu carcéral dans certains territoires d'Outre-Mer. L’étude SPCS a été financée par la DGS (Direction générale de la santé) et SpF (Santé Publique France). Elle a été portée par la F2RSM Psy (Fédération Régionale de Recherche en Santé Mentale et Psychiatrie) et coordonnée par le professeur Pierre Thomas. La réalisation de l’étude a été pilotée par Thomas Fovet et Camille Lancelevée assistés d’Oumaïma El Qaoubii et d’Élodie Floury pour le volet Outre-Mer. La méthodologie a été conçue par Marielle Wathelet. L'étude a été rendue possible par la participation d’une centaine d’enquêteurs et d’enquêtrices, professionnels de santé mentale exerçant en milieu carcéral, chargés du recueil des données.

Les travaux de la feuille de route 2019 -2022 relative à la santé des personnes placées sous main de justice ont mis en exergue la nécessité d’améliorer la connaissance de l’état de santé, notamment mentale, des personnes détenues.

En effet, la précédente étude d’envergure nationale[1], menée en 2004, s’intéressait principalement à la santé mentale des personnes à l’entrée en prison ainsi que pendant leur incarcération et mettait en évidence une surreprésentation des troubles psychiatriques, avec une gravité variable, chez les personnes en milieu carcéral par rapport à la population générale .

  • Principaux résultats de l’étude

Les résultats, qui concernent donc le moment particulier précédant la libération, confirment le constat d’une santé mentale dégradée pour une majorité de personnes détenues.

Les deux tiers des hommes détenus en maison d'arrêt et les trois quarts des femmes sortant de détention présentent, à la sortie de prison, un trouble psychiatrique ou lié à une substance :

  • La moitié des personnes interrogées est concernée par un trouble lié à une substance,
  • Un tiers des hommes (et la moitié des femmes) sont concernés par des troubles thymiques (incluant la dépression),
  • Un tiers des hommes (et la moitié des femmes) sont concernés par des troubles anxieux,
  • 10 % des hommes (et un sixième des femmes) sont concernés par un syndrome psychotique,
  • Un quart des hommes (et la moitié des femmes) sont sujets aux insomnies.

L’étude permet aussi également de caractériser la sévérité de ces troubles psychiques à la sortie : 32,3 % des hommes (et 58,8 % des femmes) sont considérés comme modérément à gravement malades pour les hommes tandis que le risque suicidaire est estimé à 27,8 % pour les hommes (et 59,5 % pour les femmes) avec un risque élevé estimé respectivement à 8,2 et 19,1%.

En ce qui concerne le parcours de soin, la majorité des participants et participantes ont pu bénéficier annuellement d’au moins une consultation par un médecin généraliste, plus une par un professionnel de santé mentale (respectivement 89,6 % et 96,2%). Plus d’un tiers ont été suivis par un établissement médico-social spécialisé en addictologie (CSAPA, CAARUD). Dans les jours précédant la sortie, 22 % des répondants et 33,6 % des répondantes déclarent avoir un rendez-vous programmé avec un professionnel de la santé mentale, et 14 % des répondants et 27,5 % des répondantes avec un professionnel de l’addictologie.

A noter que la part des personnes traitées par des médicaments de substitution aux opiacés est équivalente à l’entrée et au cours de la détention.

Autre constat marquant : la prévalence des traumatismes subis dans l’enfance. 73,9 % des participants et 86,3 % des participantes ont été exposés à au moins un traumatisme (négligence ou abus) dans l’enfance.

En ce qui concerne leur parcours carcéral, 31,9 % des hommes et 46,6 % des femmes n’ont pas eu accès aux activités sportives. De même, 41,8 %des hommes et 46,6 % des femmes n’ont pas eu accès aux parloirs. En ce qui concerne les activités socio-culturelles, ce sont 68,4 % des hommes et 48,9 femmes qui n’ont pas pu en bénéficier. Quant la formation professionnelle, son accès reste limité, 76,5% des hommes et 65,6 % des femmes n’ayant pu y avoir accès


[1] Rouillon F., Duburcq A., Fagnani F., Falissard B., Etude épidémiologique sur la santé mentale des personnes détenues en prison, étude DGS, 2004.

 

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